52ème jour
12°58 N – 43°39 O

Les poissons volants kamikazes ont encore frappé !

Vendredi matin, juste après le coup de fil de félicitations de notre Président Irlandais, un grain tropical avec des pointes à 30 nœuds nous a souhaité la bienvenue aux abords du Pot-au-Noir, point de départ des derniers 3000 milles de notre parcours en Atlantique Nord !

Pendant que je luttais pour garder le contrôle du bateau, le grain est reparti aussi vite qu’il était arrivé, et c’est alors que les poissons volants ont attaqué.

Quand ils ont percuté le pont, j’ai bien cru qu’il s’agissait de balles de fusil, qui auraient sauté au travers des vagues, et qui se seraient encastrées sur notre bateau. S’asphyxiant sur le pont, c’est ce qui arrive malheureusement aux poissons hors de l’eau, ils se sont retrouvés cuits vivant, au soleil du petit matin.

Alors que nous faisons route au Nord-Ouest dans un vent stable d’environ 20 nœuds, la présence de ces poissons volants indique clairement que nous avons rejoint les Alizés.

Le passage du Pot-au-Noir a été plutôt simple étant donné qu’il était assez court (100 milles) et sa sortie plutôt claire.

Je vous concède que notre route, qui va nous permettre de laisser à bâbord les Caraïbes et à tribord le Cap-Vert, ne semble pas être la plus directe vers notre objectif des Sables d’Olonne. Pourtant, plus nous allons avancer, plus l’orientation du vent va nous permettre d’arrondir notre route vers la droite, jusqu’au moment où, à l’ouest de l’anticyclone des Açores, nous n’irons plus vers l’ouest, mais uniquement au nord.

A ce moment là, les vents dominants nous emmènerons directement vers la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne. J’espère que ce sera à temps pour le passage des cloches de Pâques. Avec leurs cargaisons d’œufs en chocolat, elles viendront améliorer nettement mon régime d’eau et de nourriture lyophilisée… J’ai épuisé mes réserves de sucreries et de « petits à côtés » et j’ai très envie d’un bon repas terrestre !

Le passage de Recife au nord-est du Brésil a été comme un débarquement dans un nouveau monde… Meilleur ! Alors que l’ancien n’était que « chaleur étouffante, navigation contre le vent et progression lente », le nouveau est « alizés rafraichissants, navigation au portant et magie du franchissement de l’équateur ».

A bord c’est donc une navigation « champagne » !
A la limite de la magnifique mer des Caraïbes, ce sont des jours comme ceux là qui rendent supportables les difficultés des autres. Ah, vraiment ça valait le coup de passer au travers de tout ça… Qu’il est bon d’être vivant !

C’est un privilège pour moi d’être ici, sur l’Océan, aux commandes d’un aussi magnifique navire. A certains moments j’aimerais que ce voyage dure toujours, à d’autres, je ressens l’envie pressente de poser pied à terre pour me reconnecter à la vie « normale ».

J’ai une petite difficulté technique liée à la présence d’algues flottantes.

Celles-ci s’enroulent un peu trop souvent autour de l’hydro-générateur qui recharge les batteries dont je me sers pour le pilote automatique, le système informatique, les feux de signalisation la nuit et le déssalinisateur d’eau. L’énergie à bord est très importante, et je dois régulièrement intervenir pour nettoyer l’hélice de hydro-générateur.
Bon, c’est une difficulté mineure.

Bien que ma stratégie soit de rester dans un mode de navigation « sans risque », j’aimerais bien quand même être à la maison pour Pâques. Alors je règle au mieux mon bateau et m’efforce d’optimiser son rendement. J’ai par exemple 3000 litres d’eau stockés dans des ballasts sur le côté opposé au vent pour équilibrer au mieux le bateau. C’est comme si j’avais 30 hommes pesant chacun 100 kilos qui seraient assis au bord du bateau.

Le bateau a 12 ballasts… 6 de chaque côté. Ils permettent différentes configurations optimisées pour les différentes allures de navigation (remontée au vent, travers, portant, etc…). Comme vous pouvez l’imaginer, la gestion de ces ballasts est une tâche complexe. Le transfert d’eau d’un côté à l’autre demande environ 20 minutes, et plusieurs actions de fermeture et d’ouverture de vannes qui utilisent la vitesse du bateau pour remplir ou vider les ballasts grâce à un effet de succion.

C’est sur ces explications techniques que je conclue ce carnet de bord !

A très bientôt !