5ème jour
45°531 Sud , 165°49 Est

Bien qu’ayant déjà parcouru plus de 1 000 milles depuis Dunedin, cela reste toujours plus facile de regarder vers l’arrière que vers l’avant. Et quand je pense aux 12 000 milles qu’il me reste encore à accomplir avant d’arriver aux Sables d’Olonne… cela me paraît tellement énorme !

Plus tôt aujourd’hui, en prise avec la solitude, votre Skipper c’est mis à râler tout en faisant les 100 pas sur le pont. Mais qui s’en soucie ?

« Je ne suis pas grand chose finalement, juste une goutte dans l’océan. Le problème évidemment c’est que je suis le seul lucide, tous les autres sont fous. Et cela n’est pas simplement un fait, c’est surtout la vérité ! Alors que je navigue autour du monde – luttant pour accomplir mon rêve. Est-ce de la logique sans logique ? »

En vérité, et cela fait ma joie, grâce aux nouvelles que j’ai reçues par Sylvie, je me rends compte que beaucoup de personnes s’intéressent à mon voyage. Elle a très gentiment comparé mes articles de carnet de bord au cadeau de la découverte d’une « bouteille à mer ». Elle m’a aussi raconté le lancement de notre challenge collectif « 13 000 milles pour 13 000 smilles ! » et cet appel à tous d’associer chacun des milles que je parcours avec mon bateau à des milles symboliques représentant de petites et grandes actions. C’est magnifique.

  • Le premier projet dont elle m’a parlé concerne une association qui souhaite permettre l’inclusion d’enfants en situation de handicap par l’intermédiaire du sport. Cette association recherche 2 volontaires qui pourraient superviser des groupes de 1 à 3 enfants, une heure par semaine pour des sessions d’entrainement au foot en salle.
    > http://leretourdumonde.com/association-les-enfants-de-la-balle
  • Un autre projet est celui de cette jeune fille qui a décidé de faire un aller-retour en Bretagne pour passer un moment avec sa grand-mère en fin de vie.

Maintenant seul, je ressens profondément mon état d’isolation dans l’immensité pure.
Cela oblige à une certaine humilité. Depuis mon départ de Kiwiland, je n’ai vu ni bateau ni aucune trace d’humanité sur cet océan, il n’y a que les Albatros omniprésents pour rompre ma solitude. Bien que cela devrait être l’inverse, plus je progresse, plus je me sens anxieux et nerveux. Je reprends conscience que chaque vague, chaque déplacement sur le pont, chaque activité est un risque. Ne rien faire n’est pas une option. C’est une constance.

Je pourrais bien être réellement seul sur l’océan, et isolé, comme pourrait l’être tout être humain, même dans une grande ville, ou même en compagnie de milliers de personnes. Je suis pourtant seul, mais pourtant pas isolé, en ce sens que chaque mille que je parcours a un but, un objectif, et une direction.

C’est encore et encore un moment de vie sur le fil du rasoir.
Je me remémore souvent cette histoire vécue avec Willie, notre équipier sur le Maxi de la course « Whitbread Autour du Monde » il y a déjà tant d’années. Attrapé d’un coup par un bout’ du Spi qui l’avait surpris et jeté par dessus bord. De mon point de vue il est sage de se souvenir de ce genre de chose et d’être toujours très prudent, craintif de ce qui pourrait se passer, et surtout de ce qu’on attend pas.

Comme nous allions vite dans une mer bien formée, nous avions rapidement perdu notre homme de vue – bien que nous ayons réagi très rapidement et décidé de couper les bout’ pour abandonner le spi à l’océan et ainsi virer de bord plus vite. Notre ami et compagnon était juste parti.

Et c’était à l’époque un Albatros qui lui avait littéralement sauvé la vie. Et maintenant je regarde en arrière et justement j’en vois planer.

Ce sont des animaux extraordinaires qui peuvent voler jusqu’à 1 000 km par jour, et qui, d’une manière générale, aiment à suivre tout ce qui bouge dans les mers du Sud. C’est d’ailleurs un des rares endroits où on peut les observer.

Quoiqu’il en soit, au lieu de suivre notre Maxi yacht, un groupe d’Albatros avait choisi de planer au dessus de notre Willie, ce qui nous avait permis de le localiser beaucoup plus rapidement. Lorsque nous l’avions récupéré il était en pleine torpeur, dernier état avant la mort (après les frissons et l’hypothermie). Il était vraiment passé par une petite porte.

Cet événement, qui nous avait tous secoués émotionnellement, m’avait aussi fait sacrément grandir.

Et les Albatros continuèrent à planer.
D’ailleurs, plus j’apprends des choses sur ces oiseaux de mers, plus ils me fascinent. Savez-vous qu’ils vivent en couple le plus souvent pour toute leur vie (environ 50 ans), que les « divorces » sont rares, qu’ils attendent en général longtemps avant de se reproduire, mais qu’alors ils investissent beaucoup d’efforts pour leurs jeunes ?

Une femelle albatros, nommée « Wisdom » (La sagesse), qui a été baguée en 1956 lorsqu’elle était déjà adulte, a donné naissance à un poussin en février 2017. Daisant d’elle, à au moins 66 ans, la doyenne des oiseaux bagués !

Mais plus que tout, ces oiseaux ont un absolu besoin d’espace… Peut-être est-ce quelque chose que nous avons en commun ?

I am a wave of the sea
And the foam of the wave
And the wind of the foam
And the wings of the wind

Je suis une vague sur la mer
Et l’écume de cette vague
Et le vent sur cette écume
Et les ailes du vent

NB : traduction libre et poétique de l’équipe du Souffle du Nord !

En savoir plus sur les albatros

Pélagiques, les albatros vivent dans les océans au sud du tropique du Capricorne, ainsi que dans le Pacifique Nord. La reproduction du Grand Albatros s’effectue à terre, en colonies dispersées sur les îles antarctiques et subantarctiques.

L’envergure des grands albatros du genre Diomedea peut atteindre 3,40 mètres et est la plus grande de toutes les espèces d’oiseaux actuelles. Pour décoller, les albatros sont obligés de courir afin de permettre à suffisamment d’air de se déplacer sur leurs ailes et ainsi créer de la portance. L’aile des albatros comprend un tendon au niveau de l’épaule qui bloque l’aile pendant que l’albatros plane, lui permettant de garder l’aile déployée à son maximum sans utiliser de muscles.

L’albatros a une finesse aérodynamique comprise entre 22 et 23. C’est-à-dire que pour chaque mètre descendu, il peut parcourir 22 mètres de distance horizontale. Ses capacités exceptionnelles pour planer lui permettent d’exploiter les courants ascendants pour gagner de l’altitude (ascendance thermique, ascendance de pente en bord de falaise) et même de gagner de la vitesse et voler presque indéfiniment en planant entre les vagues (vol de gradient).

Les albatros sont tellement bien adaptés à ces voyages sur de longues distances qu’ils dépensent plus d’énergie au décollage et à l’atterrissage que durant le vol lui-même. Cependant, les albatros sont dépendants des vents et des vagues pour se déplacer, leurs longues ailes et leur faible musculature ne leur permettent pas de soutenir un vol battu pendant longtemps. Ainsi, par temps calme, les albatros sont obligés de se poser sur l’eau et d’attendre que le vent se relève à nouveau.

Crédit Wikipédia. >> Lire la suite